Les mangas et les comics sont deux univers à part. Les mangas ont le vent particulièrement en poupe. Ils correspondent parfaitement aux goûts de personnes qui ont grandis dans les années 80-90 avec les premières séries d’anime en France et à ceux de la génération « consoles ». Les séries mangas ne connaissent pas de crossovers entre séries ce qui les rend très accessibles au lecteur qui ne veut suivre qu’une seule série et touchent plusieurs genres ce qui permet d’avoir un public diverse et souvent même féminin. Les comics, quant à eux, touchent un public plus initié. Le genre majoritaire est celui des super-héros dont l’univers est plutôt masculin, la notion de continuité est omniprésente, ce qui peut faire peur aux éventuels nouveaux lecteurs, et les séries sont en crossovers constant, obligeant les lecteurs à suivre plus d’une série.
Pourtant, il est arrivé qu’éditeurs de comics et auteurs de mangas tentent de créer des ponts entre les deux univers. C’est de cette volonté que DC s’est mis d’accord avec le mangaka Kia Asamiya pour faire une série Batman pour le marché japonais. Cette série sera publiée en avant-première en France par Semic en 2001 pour le premier volume et en 2002 pour le second avant d’arriver sur le marché américain en 2003. La France est le premier pays occidental à avoir publié cette série.
Une nouvelle drogue inonde le marché à Gotham City, la drogue « Otaku ». Les utilisateurs de cette drogue peuvent prendre l’apparence, la personnalité et les capacités des personnages dont ils sont fans avant de succomber aux effets de cette substance. Batman va donc faire à toute une bande d’imitateurs de ses pires ennemis qui vont mettre Gotham à feu et à sang.
Par ce manga, Kia Asamiya se livre à une vrai déclaration d’amour du Dark Knight et de son univers. La drogue « Otaku » utilisée dans le scénario fournit une toile de fond à son intrigue tout en permettant de toucher à tous les pires ennemis de Batman sans les intégrer réellement à l’histoire par souci de continuité. Asamiya déplace astucieusement l’intrigue à Tokyo dans le deuxième album et Batman y évolue avec la même aisance qu’à Gotham. Cependant, son scénario souffre d’un gros point noir. Dans le deuxième album on apprend que le méchant principal, âgé de 46 ans, est un fan de Batman depuis son adolescence. Si on estime que Batman a commencé sa carrière à l’âge de 25 ans, Batman a alors plus de la cinquantaine d’années, soit l’âge qu’il est supposé avoir dans le Dark Knight Returns de Miller. Asamiya s’est sans doute laissé emporté par son amour du chevalier noir et perd toute cohérence sur la fin. Dommage car ces albums sont vraiment sympas.
Les dessins d’Asamiya demandent un temps d’adaptation (les personnages ont tous des gros nez) mais ils collent bien à l’univers. On regrette quand même que l’éditeur ait jugé utile de retourner les planches pour coller au sens de lecture occidental. Du coup, tous les personnages deviennent gauchers. Ces mangas sont quand même à recommander à ceux qui voudraient découvrir le chevalier noir et son univers. Bref, c’est un bon moment de lecture.